CARTOGRAPHIE

1 Introduction

Qu'est-ce que la carte ?



Définition 1 : 

 

Le Comité Français de Cartographie définit la carte comme 

 

" …une représentation géométrique conventionnelle, généralement plane, en positions relatives, de phénomènes concrets ou abstraits, localisables dans l'espaces; c'est aussi un document portant cette représentation ou une partie de cette représentation sous forme d'une figure manuscrite, imprimée ou réalisée par tout autre moyen."



Définition 2 : 



"Une carte est une représentation géométrique plane simplifiée et conventionnelle de tout ou partie de la surface terrestre, et cela dans un rapport de similitude convenable qu'on appelle échelle."

 

F. JOLY 1976, la cartographie, PUF, Coll. Magellan.

 

De ces définitions se dégagent cinq grands  principes dont les conséquences pratiques devraient guider tout cartographe, professionnel ou non.




  • la carte est une représentation, un dessin

    • Donc un document visuel, compréhension universelle

    • C’est pourquoi sa conception et sa réalisation doivent respecter des règles simples (titre, orientation, échelle, légende) mais rigoureuses issues des lois de la perception visuelle.

 

  • La carte est une représentation plane.

    • Elle matérialise le passage de la sphère terrestre à un plan.

    • Ce passage est réalisé grâce à la construction de la projection.

 

  • La carte est une représentation réduite :

    • la carte ne cherche pas à représenter l’espace grandeur nature.

    • Au contraire, elle cherche à produire un document maniable sur lequel est représenté le terrain selon un rapport de réduction : l’échelle

 

  • La carte est une représentation simplifiée :

    • la réduction passe par une série d’opérations graphiques que l’on résume sous le nom générique de « généralisation » qui remplace des formes observées sur le terrain par des formes et figurés conventionnels.

 

  •  La carte est une représentation conventionnelle :

- la cartographie utilise un langage qui possède ses propres règles

 

Dans ces conditions, que l’on soit simple citoyen, lecteur et utilisateur occasionnel de cartes, ou géographe, professionnel de la représentation cartographique et de l’analyse spatiale, il apparaît essentiel de pouvoir aborder cet outil avec un regard critique, d’en comprendre les fondements, d’en éviter les pièges, d’en apprécier la richesse et d’en mesurer les limites.

 

La carte est un outil.

Comme tout outil, elle peut être utilisée à bon ou à mauvais escient. Comme tout outil, elle a un usage particulier et requiert un certain apprentissage

 

La carte est un outil particulier qui possède d’énormes avantages. C’est un document immédiat qui en quelques secondes permet à son destinataire de saisir l’essentiel de l’information. 

 

C’est, aussi et surtout, un moyen de communication visuel qui peut être accessible à tous, sans distinction de langue, d’âge, d’origine sociale ou culturelle, etc. La carte tend vers une dimension universelle. C’est un langage construit qui donne à voir l’espace.

 

Attention toutefois ! Le fait d’être un document visuel, ne constitue pas uniquement un avantage.

Pour son élaboration, le cartographe doit respecter des règles strictes qui sont celles de la représentation symbolique et de la perception visuelle.

 

La carte n’est pas la réalité. C’est une représentation simplifiée, déformée, voire manipulée, de la réalité. 

C’est une construction intellectuelle subjective

 

Selon les lieux et les temps, les représentations sociales, les orientations idéologiques, les types de représentation changent. 

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les planisphères en usage dans différentes régions du monde et de mesurer la vigueur de  « eurocentrisme », de « l’ethnocentrisme » américain ou russe dans des représentations ni meilleures ni plus mauvaises que celles qui nous sont familières.

 

S’interroger sur la carte comme construction intellectuelle, c’est d’abord s’interroger sur les objectifs de cette construction.

Avant de savoir comment, il convient de se poser la question : 

 

pourquoi et pour qui fait-on les cartes ?

Figure 1 : Quelques représentations du monde

tirées de l’Atlas Stratégique (éd. Complexes)



a- Une représentation familière, 

le monde vu d’Europe,













b- La vision nord-américaine du monde, une autre forme d’ethnocentrisme










c- Au milieu des années 1980, un monde en orbite autour de l’Union soviétique














d- Une représentation du monde musulmanPourquoi et pour qui fait-on des cartes ?

 

Des cartes pour repérer et pour se repérer

 

C’est le type de carte qui vient le plus facilement à l’esprit. Celle qui justifie le plus souvent la première utilité de la carte, qui correspond à la nécessité pour l’homme :

  • de pouvoir se repérer dans l’espace,

  • de se représenter son espace de vie afin de s’y mouvoir et

  • de transmettre à ses proches les indications permettant de localiser les lieux

Les cartes de localisation fournissent des points de repères à l’origine de nombreux usages (carte de réseau de transport urbain, bus, métro, tramway... )

 

Les cartes topographiques en constituent l’exemple le plus familier mais il en existe une multitude de types selon la thématique et l’échelle abordée.

Carte géologique,

Carte de la végétation,

Carte des monuments historiques, des sites touristiques

Carte d’analyse thématique,

Carte de synthèse, etc.

 

L’objectif principal de ce type de représentation consiste à repérer des données "fixes" afin de localiser les grands éléments de l’espace et de son occupation (relief, cours d’eau, voies de communication). 

 

Il s’agit de documents d’inventaire de plus en plus précis permettant de localiser les objets et les phénomènes.

 

Ces cartes servent souvent de base pour des applications plus élaborées. Exemple : les cartes d’analyse thématique diverse.

 

Des cartes comme instrument de pouvoir

 

De tout temps la carte a constitué un enjeu de pouvoir. Qu’ils soient économiques ou politiques les pouvoirs ont toujours entretenu des liens très étroits avec la carte.

 

La carte permet de prendre la mesure des territoires possédés, voire de servir de justification à sa conquête.

 

La carte est un formidable instrument d’appropriation territoriale et de construction idéologique. Elle permet de définir la frontière, de montrer sa puissance.

 

Les pouvoirs politiques en usent et en abusent et parfois, en restreignent l’accès. 

 

Les redécoupages administratifs pré-électoraux suscitent fréquemment des polémiques et les collectivités locales communiquent rarement sur les Plans de Prévention des Risques auprès des populations qu’elles sont pourtant chargées d’informer.

 

Actuellement, au Sénégal, le découpage administratif n’arrête pas d’être modifié, souvent pour des raisons politiques.

  • création de nouvelles Communautés rurales (de 1972 jusqu'à la communalisation intégrale);

  • création de nouvelles Communes (ex. Ross Béthio, Saly...);

  • création de nouveaux départements (ex. l'annonce de la création d'un futur département de Keur Massar pour apaiser la douleur des populations encore inondées);

  • créations de nouvelles régions (Kédougou, Sédhiou, Kaffrine, qui n'avaient même pas les équipements nécessaires pour un département, deviennent du jour au lendemain des régions);

 

Le tout sans aucune cohérence, des Départements mutent en Régions, les arrondissements deviennent des Départements du jour au lendemain sans les infrastructures de bases nécessaires à leur fonctionnement (Kédougou, Sédhiou, Kaffrine devenus Régions en 2008).

Seules les considérations électorales semblent motiver ces découpages.

 

Les incidences et implications financières dans le budget de l’Etat ne sont aucunement prises en compte : une multiplication de tous les services pour les nouvelles régions, les nouveaux départements et arrondissements, plus de services publics, plus d’élus, plus de députés, plus d'élus Haut Conseillers aux Collectivités Territoriales (HCCT ou http!!!!)….

 

Le saucissonnage actuel du territoire va à l’encontre des moyens et surtout des orientations objectives qui vont dans le sens de regrouper les collectivités dans des entités de mutualisation des biens et services publics ; les Communautés de Communes, les Communautés d’Agglomérations

 

Au Sénégal d'ailleurs, les régions comme collectivités locales ont été supprimées. On parle de pôles régionaux qui regrouperaient plusieurs régions. C'est pertinent comme démarche

Par contre, le saucissonnage du département de Pikine en Pikine et Keur Massar, en laissant Guediawaye aussi comme département ne serait pas pertinent

Pikine et Guédiawaye réunis devrait faire l'objet d'une reconsidération ensemble, pour une nouvelle répartition de leur espaces et faire l'objet d'un redécoupage équilibré en deux départements pertinents



D’une manière générale, les préoccupations militaires jouent un rôle de premier plan dans le domaine de la cartographie.

 

Si en France, l’Institut Géographique National s’est affranchi depuis 1940 de la tutelle du Ministère de la Guerre à qui l’on devait la carte d’Etat Major du XIXè siècle, l’Etat n’a pas abandonné tout contrôle et, dans de nombreux pays, les militaires gardent la haute main sur la production cartographique.

 

Les données topographiques précises demeurent inaccessibles au public dans de nombreux pays.

 

Exemple : le système GPS, largement utilisé à travers le monde pour des applications civiles, est propriété du Ministère Américain de la Défense.

 

La réaction tardive des européens au GPS est devenu le système de navigation par satellite GALILEO. Prévu pour fonctionner en 2008, il n'a été accessible au public qu'en 2016 et a eu plusieurs pannes dont la dernière en juillet 2019.

 

Les considérations d’ordre économique ne sont pas absentes de ces enjeux, qu'il s'agisse : 

 

- de connaître la répartition précise des propriétés foncières et des activités qu’elles supportent afin de pouvoir calculer l’impôt,

 

- ou de recourir au géomarketing  pour cibler une campagne publicitaire, définir une zone de chalandise,

 

- ou de localiser les usagers du téléphone mobile

 

Les applications de la cartographie ne cessent de s’étendre dans le domaine économique, avec certes beaucoup d’avantages (études de faisabilité, d’implantation, zone de chalandise, modélisation…) mais aussi des dérives que cela peut entraîner.

 

Des cartes pour analyser et pour comprendre

 

C’est évidemment ici le domaine privilégié du géographe. 

Il ne s’agit plus simplement de décrire mais d’analyser et de comprendre l’organisation et les dynamiques spatiales.

Avec l’évolution des besoins de représentation spatiale et de la science géographique, l’objet de la carte n’est plus seulement la représentation d’objets permanents, mais la visualisation spatiale de phénomènes relevant de thématiques variées et dont on cherche à mettre en évidence les déterminants de chaque thèmes, leurs dynamismes (l'évolution de chaque phénomène), les corrélations qu'il y a entre les différents phénomènes. 

Cela se traduit par une dissociation de l’information en deux concepts différents :

-   le descripteur d’objets spatialisés (la nature de l’objet, la forme géométrique de l’objet, …ponctuel, linéaire, surfacique ???) 

- la variable descriptive (attribut quantitatif ou qualitatif de l’objet). 

La carte devient une représentation que l’on construit, à partir d’informations disponibles, avec des outils statistiques et graphiques appropriés

Ce type de cartographie recourt à l’analyse de données et plus particulièrement à l’analyse statistique. 

Elle s’appuie sur la comparaison, sur la superposition et la mise en relation des phénomènes spatiaux. 

Deux traitements sont en jeu dans sa réalisation ; des traitements sur la dimension thématique (on dit aussi attributaire en terme de base de données) et des traitements sur la dimension graphique :

  • choix des variables thématiques et préparation des données (statistiques), 

  • choix des variables visuelles : choix des couleurs, des trames, des légendes, etc (cf. chapitre sur la sémiologie graphique).

Le traitement des données peut être d’une grande sophistication (statistiques mono ou multivariées, analyses multidimensionnelles,...) avec à la clef, des problèmes statistiques spécifiques (zonage, corrélation spatiale, échantillonnage spatial etc.).

C’est le domaine de l’analyse spatiale et des études géostatistiques (ou statistiques spatiales) qui peut ensuite ou en parallèle s’appuyer sur les Systèmes d’information géographique (SIG).