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  • Nouvelles tendances théoriques 2

    Auteur: Bakary DOUCOURE

    Nombre de modules (ou parties) composant le cours: 2

    Résumé du cours: Ce cours est destiné aux étudiant-e-s de M1 de Sociologie. Il vient à la suite du cours de nouvelles tendances théoriques 1 du semestre 1 principalement consacré au constructivisme en sociologie. Contrairement au cours du Semestre 1, celui-ci s'ouvre davantage aux autres sciences à travers deux grandes thématiques : l'une sur le territoire et l'autre sur la décolonisation des sciences sociales en Afrique.

    Objectifs généraux: 

    • Connaitre et maitriser les enjeux théoriques liés au concept de territoire en sciences sociales;
    • connaitre et maitriser les implications et les enjeux théoriques des débats et des discours sur la décolonisation des sciences sociales en Afrique.

    Prérequis: Cours de SOCIO 411 (Nouvelles tendances théoriques 1-EC2) du semestre 1

    Mots-clés: territoires en sciences sociales, territorialisation, territorialité, décolonisation des sciences sociales, constructivisme social.

  • Introduction générale

  • Module 1: les territoires en sciences sociales

    Dans ce premier module du cours consacré au concept de territoire, sont abordés les différentes définitions, approches et constructions du concept dans quelques disciplines des sciences sociales (notamment la sociologie, l'anthropologie, la géographie). Cette exploration permet ensuite d'identifier les évolutions du concept ainsi leurs implications sur le plan théorique.

    • Approches et définitions du territoire

      Remarques introductives 

      Territoire = notion utilisée à l’origine dans le règne animal notamment par l’éthologie science du comportement animal dans leur environnement;

      Période 60-70 = développement et amplification des recherches sur la notion de territoire telle que perçue chez l’homme → apparition de sens très nuancés de la notion selon les approches (anglo-saxonne, française, etc.) et les disciplines scientifiques.

      Approche anglo-saxonne marquée par l’idée/la conception selon laquelle :

      • le comportement territorial humain relève d’un phénomène d’écologie éthologique ;
      • les espaces sont plus ou délimités par des frontières, des marqueurs, etc.
      • il y a une occupation émotionnelle des espaces par les individus et les groupes, ainsi qu’un déploiement de la part de ces derniers dans but de dissuader d’autres à venir ;
        • il en découle la notion de territorialité définie comme : « la tentative par un individu ou un groupe d’affecter, d’influencer ou de contrôler d’autres personnes, phénomènes ou relations et d’imposer son contrôle sur une aire géographique, appelée territoire »
      • pour les ethnologues de tradition anglo-saxonne
        • le comportement humain territorial = un système cognitif et comportemental qui a comme objectif l’optimisation de l’accès d’un individu ou d’un groupe aux ressources de manière temporaire ou permanente

      Approche française (fortement déterminée par les géographes et les sociologues)

      • Le territoire reflète une triple appropriation (économique, idéologique et politique) de l’espace par des groupes humains qui se donnent une représentation particulière d’eux-mêmes, de leur histoire, de leur singularité ;
      • « Le territoire est un investissement affectif et culturel que les sociétés placent dans leur espace de vie ».
      • « Le territoire s’apprend, se défend, s’invente et se réinvente. Il est lieu d’enracinement, il est au cœur de l’identité ».  
      • Le territoire renvoie aussi convivialité, à un « ensemble de lieux où s’exprime la culture, ou encore une relation qui lie les hommes à leur terre et dans le même mouvement fonde leur identité culturelle ».
      • « Un territoire est un lieu de vie, de pensée et d’action dans lequel et grâce auquel un individu ou un groupe se reconnaît, dote ce qui l’entoure de sens et se dote lui-même de sens, met en route un processus identificatoire et identitaire ».

      Le territoire = un objet pluridisciplinaire → notion influencée par la division du travail scientifique ; quelques exemples

      • L’anthropologie et la sociologie
        • Pour les anthropologues :
          • le processus d’organisation territoriale doit être analysé à deux niveaux différents et distincts : i) d’une part l’action des hommes sur les supports matériels de leur existence et ii) d’autre part les systèmes de représentation.
          • Le territoire = à la fois une organisation objective et une invention culturelle ;
        • pour les sociologues
          • sociologie urbaine (écologie urbaine) → orientée vers l’étude des sociétés urbaines
          • territoire → phénomène écologique se référant aux relations des organismes (y compris les humains) avec leur milieu.
        • Erving Goffman (1973), La mise en scène de la vie quotidienne, Ed. Minuit → chapitre 2 « Les territoires du moi »
          • Il rappelle que le concept vient de de l’écologie
          • Il indique « les territoires varient selon leur organisation » → i) les territoires peuvent être fixes et bien délimités ii) ils peuvent également être mobiles et aux frontières changeantes.
          • Parle d’espace personnel = espace temporaire et situationnel → exemples : file d’attente/ascenseur/etc.
          • S’intéresse par ailleurs « aux marqueurs » séparant deux territoires. Exemples : accoudoir du siège d’un train/barre à la caisse d’un hypermarché/etc.
          • S’intéresse également aux modes d’intrusion dans le territoire de l’autre
        •  Edward HALL (1971), La dimension cachée, Paris, Seuil.
          • Utilise le concept de « proxémie » pour expliquer les écarts entre deux territoires personnels ou personnalisés selon les cultures.
          • La phobie du contact physique et de la chaleur corporelle  est plus forte chez certains individus que d’autres → les individus « habitent des mondes sensoriels différents »
          • La manière d’occuper ou pas un territoire varie selon les individus
        •  
      • La géographie
        • Science qui s’intéresse à tout ce qui est en rapport avec l’espace
        • Dans la géographie moderne → Place importante accordée à la notion de territoire chez l’homme :
          • Géographie humaine → met l’accent sur les facteurs historiques et culturels au sein d’un territoire
          • Géographie politique → importante réflexion sur la notion de limite considérée comme un thème central de la territorialité
        • Territoire (chez les géographes) =
          • Il a au moins les trois caractéristiques suivantes : il peut être approprié ; il possède des limites ; et il porte un nom (toponyme ou anthroponyme)
            • →  Un territoire est à la fois un espace pensé, dominé, désigné.
            • → Il est aussi un produit culturel choisi par l’homme à l’intérieur d’ensembles encore indifférenciés
            • le territoire = résultat d’une action des humains
              • → il n’est pas le fruit d’un relief ou d’une donnée physico-climatique,
              • → il devient l’enjeu de pouvoirs concurrents et divergents et trouve sa légitimité avec les représentations qu’il génère, tant symboliques que patrimoniales et imaginaires,

      Territoriologie

      • Discipline regroupant ceux qui considèrent que l’étude du territoire doit être science autonome, une discipline à part
      • Discipline combinant : éthologie (science du comportement des animaux)/psychologie animale/écologie, mais aussi ethnologie/anthropologie physique/sociologie.

    • Notion de territoire comme révélatrice d’une tendance théorique nouvelle en sociologie ?

      Pour rappel :

      En sociologie et en anthropologie, la notion de territoire renvoie à l’espace social construit dans et par les limites de l’espace physique ;

      Notion de territoire pas aussi nouvelle en sociologie et en anthropologie, mais elle a été plus importante dans la sociologie américaine que dans la sociologie européenne → cf. Ecole de Chicago

      • R. Park & E. W. Burgess
      • Y. Grafmeyer & I. Joseph

      Constat d’un intérêt croissant pour la notion de territoire chez les socio-anthropologues africains et certains africanistes → exemples :

      • Mamadou Dimé (2016) → zone-frontière

       

      Question : si la notion n’est pas si nouvelle dans le champ socio-anthropologique, en quoi serait-elle révélatrice d’une nouvelle tendance théorique ?

      Nouvelles approches et nouvelles théorisations du territoire, notamment avec la conceptualisation de nouveaux types de « territoires » → voire les nouveaux types de territoires : i) espace constitué en territoires par les maillages et les frontières vs espace discontinu  ii) territoires « aréolaires » vs territoires « réticulaires » iii) zone-frontière iv) territoire circulatoire

      • Territoire aréolaire
      • Territoire réticulaire
      • Zone-frontière
      • Territoire circulatoire
      • territoire multisitué
      • Textes d’applications sur les nouveaux types de territoires en sociologie/anthropologie
        • Mamadou Dimé (2016)
        • Mareï N., Dimé M., Bouhali A. (2019), « Rosso, fenêtre sur une Afrique mondialisée », in Afriques(s) en mouvement, n° 1, Janvier.
        • Alain Tarrius (1996)

      La notion de territoire se présente désormais comme un outil transdisciplinaire → plusieurs dimensions sont couramment associées  au territoire dans les sciences humaines et sociales (Moine 2014)

      • Territoire conçu comme → un support/espace métrique & topographique → comme une portion de surface terrestre appropriée
      • Territoire conçu comme → forme particulière de découpage de l’espace → la délimitation du territoire est le résultat d’un équilibre entre des formes MAIS cet équilibre conduit souvent à une inadéquation entre les limites révélées et les limites administratives
      • Territoire renvoie aux problématiques de l’appropriation et de l’appartenance → préoccupation liée à la construction personnelle et collective du territoire → émergence du sentiment de territorialité
      • A partir de la combinaison de plusieurs approches conceptuelles et méthodologiques, Moine (2014) propose une définition du territoire qu’il qualifie lui-même de systémique, à savoir :
        • Le territoire=système complexe
        • Sa dynamique résulte de boucles de rétroaction liant un ensemble d’acteurs et un espace géographique donné
        • Cet espace géographique est utilisé, aménagé et géré en fonction des représentations passées, présentes et projetées des acteurs → place de l’historicité dans la construction du territoire → constructivisme social
        • Moine (2014) : le système est défini par 4 sous-systèmes :
          • L’espace géographique (oekoumène/écoumène) → espace organisé par les sociétés → il s’agit d’un espace naturel au départ puis anthropisé ;
          • Les représentations (individuelles et collectives) de l’espace des acteurs
          • Les acteurs → ils agissent sur l’espace géographique de manière directe ou indirecte → ils utilisent, aménagent et gèrent l’espace en fonction de leurs représentations→ convocation de la notion de « hiérarchie enchevêtrée »
          • Le temps → permet l’articulation de l’ensemble des sous-systèmes au gré de leurs interrelations.

       

      Pour certains sociologues, le territoire apparait à la fois comme :

      • Un savoir à construire et à réinventer
      • Une action complexe à coordonner
      • Une projection de l’existence
      • Une conscience collective définitive définie comme relationnelle → un lieu ouvert à la communication et à la connaissance

    • Sociologie du territoire comme nouvelle piste de théorisation du social ?

      La sociologie du territoire pourrait être inscrite dans le courant constructivisme pour différentes raisons :

      • Alfredo Mela (1992), un des précurseurs de la sociologie du territoire, critique la sociologie post-moderne pour sa radicalisation de l’opposition entre le macro et le micro
      • A. Mela reconnait certes l’existence d’une mondialisation des processus économiques et socioculturels en même temps que l’affirmation de la dimension locale de l’espace ;
      • Toutefois, il considère que le fait d’enfermer le débat entre le macro et le micro ne facilite pas la sortie de l’impasse de leur opposition → il relève dans cette posture deux tendances
        • L’une qui consiste à considérer comme obsolètes des objets spatiaux traditionnels et qui constitue un frein pour l’exploration d’autres sujets importants comme les déséquilibres territoriaux ou encore la localisation d’activités spécifiques.
        • L’autre consistant à affirmer qu’il n’existe de relation entre société et espace dans la société post-industrielle.

      Constat  de départ de A. Mela : existence de l’idée selon laquelle le mode de spatialisation qui s’impose dans la société post-industrielle → i) serait caractérisée par une indifférence de localisation absolue ii) serait susceptible de provoquer la disparition des systèmes spatiaux connus jusqu’ici.

      Partant de son constat, A. Melo tente de construire un paradigme alternatif i) par rapport au paradigme classique ii) mais aussi par rapport à ce qu’il appelle « le paradigme latent dans les orientations post-modernes de l’analyse spatiale ».

      Quelques critiques des paradigmes existants par A. Mela [à développer]

      • L'idée selon laquelle l'époque actuelle connaît un relâchement progressif de la fonction de l'espace dans l'organisation des activités humaines résulte d’une sorte d'extrapolation arbitraire de certaines tendances → tendances qui concernent une partie des activités économiques et qui sont contrebalancées par des tendances opposées, valables dans d'autres domaines de l'interaction sociale et économique.

      Postures défendues par A. Melo : cf :

      • Mela A., Randoing M. (1992), « Sociologie du territoire : alternatives au postmodernisme », In: Flux, n°8, pp. 5-16;

    • Bibliographie indicative pour le module sur les territoires

      Dimé Mamadou (2016), « Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » ? La zone-frontière de Rosso comme espace de déploiement de dynamiques ambivalentes d’intégration transnationale entre le Sénégal et la Mauritanie », in Mamadou Diouf et Souleymane Bachir Diagne (dir.), Les Sciences sociales au Sénégal : mise à l’épreuve et nouvelles perspectives, Dakar, CODESRIA, p. 97-117.

      Goffman E. (1973), La mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Ed. Minuit.

      Hall E. (1971), La dimension cachée, Paris, Seuil.

      Jamid H. (2019), « Les mots de la migration », in Afriques(s) en mouvement, n° 1, Janvier.

      Kourtessi-Philippakis G., Treuil R. (dir.) (2011), Archéologie du territoire, de l’Egée au Sahara, Paris, Publications de la Sorbonne.

      L’École de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, textes traduits et présentés par Yves Grafmeyer et Isaac Joseph, Paris, Aubier, coll. « Champs urbain », 1979.

      Mareï N., Dimé M., Bouhali A. (2019), « Rosso, fenêtre sur une Afrique mondialisée », in Afriques(s) en mouvement, n° 1, Janvier.

      Marié M. (2004), « L'anthropologue et ses territoires. Qu'est-ce qu'un territoire aujourd'hui ? », Dans Espaces et sociétés, vol. 4/no. 119, pp. 177-198.

      Mela A., Randoing M. (1992), « Sociologie du territoire : alternatives au postmodernisme », In: Flux, n°8, pp. 5-16;

      Moine A. (2014), « Le territoire comme outil de transdisciplinarité vers des diagnostics partagés », in CIST, Fronts et frontières des sciences du territoire, pp. 284-290.

      Paquot T. (2011), « Qu’est-ce qu’un « territoire » ?», in Vie sociale, n° 2, pp. 23-32.

      Tarrius A. (1989), Anthropologie du mouvement, Caen, Paradigmes, 192p.

      Poche B., 1996, L’espace fragmenté : éléments pour une analyse sociologique de la territorialité, Paris, L’Harmattan.

      Tarrius A. (1993), « Territoires circulatoires et espaces urbains : différentiation des groupes migrants », in Les Annales de la recherche urbaine, n° 59-60, p. 51-60.

  • Module 2: la décolonisation des sciences sociales

    Ce module, en partant d'un bref rappel de l'histoire des sciences sociales, essaie de montrer comment une réflexion critique et une posture de réflexivité critique conduisent à la remise en question de certains paradigmes (coloniaux, post et néocoloniaux) tout en favorisant de nouvelles pistes de théorisation des sociétés africaines.

    • Pourquoi la décolonisation des sciences sociales?

      Pourquoi le thème de la décolonisation des sciences sociales en Afrique constitue une opportunité explorer et identifier de nouvelles tendances théoriques ?

      • Pertinence des sciences sociales pour reconstruire et réinterpréter l’Afrique → toutefois, nécessiter de se rappeler que :
        • La plupart des sciences sociales telles que nous les connaissons ont d’abord été conceptualisées et institutionnalisées en Occident, puis introduites en Afrique ;
        • Il y avait également au départ, dans la plupart des sciences sociales un refus de reconnaitre l’existence de la civilisation en Afrique → justification de l’esclavage, du colonialisme mais aussi de l’essentialisme dont les sociétés et les peuples d’Afrique. Par exemple,  il ressort que :
          • Le discours était marqué par l’application aux sociétés africaines des catégories anthropologiques occidentales → conduisant ainsi à considérer tout ce qui ne correspondait pas à l’Europe comme « non-civilisé », « barbare », « sauvage », « idiot », « bestial » et « primitif » (Matshidisho 2005) → « Tous ces qualificatifs étaient synonymes de peuples indigènes d’Afrique, par opposition aux Européens « civilisés » ». (ibid. : p.4).
        • Importance du rôle joué par les sciences sociales dans les luttes contre la colonisation et pour la libération → notamment à travers les critiques et la déconstruction de nombreuses théories comme celles européocentristes. Exemples : voir à ce propos : i) les analyses de M. Mamdani (1996)[1], K. R. Matshedisho (2005) sur le concept de société civile → pour ces auteurs par exemple :
          • Le développement du concept de société civile n’est pas le même en Afrique qu’en Europe ;
          • En Afrique, la construction et l’application du concept de société civile sont empreintes du discours racial colonial de « l’altérité » ;
          • Le concept de société civile a été utilisée pour différencier les « civilisés » des « non-civilisés », soit les Européens des indigènes africains → « la société civile était, par conséquent, une société d’exclusion et de discrimination. C’était un espace ou un terrain socio-économique, politique, esthétique et intellectuel, exclusivement réservé aux Européens et expressément interdit aux « sujets » indigènes africains » (Matshedisho 2005 : 2) ;  Mamdani (1996 : 19) : « L’histoire de la société civile en Africaine coloniale est empreinte de racisme. C’est cela, en quelque sorte, son péché originel, car la société civile était d’abord et avant tout la société des colons. Elle était aussi principalement une création de l’Etat colonial ».
        • K. R. Matshedisho part de ces observations sur le concept de société civile pour affirmer et relever la dimension raciste et eurocentriste de la représentation et la « compréhension » de la recherche occidentale en sciences sociales → il y a une représentation erronée et la suppression de l’art, de la musique, de la religion, de l’éducation, de l’’histoire, de la philosophie, des langues, des idéologies, des économies et de la vie politique des Africains  dans le concept de société tel qu’appliqué par les colons → il critique l’essentialisme et parle ainsi de racisme scientifique européen.
      •   

      F Evolution des tendances théoriques dans les sciences sociales en Afrique → d’abord il fallait « civiliser l’Afrique », ensuite on a parlé de « développer l’Afrique » et maintenant on parle de « faire émerger l’Afrique ».

      • Période coloniale : discours portant sur la civilisation
      • Période postcoloniale : discours portant sur le développement
      • Période actuelle : discours sur l’émergence

      [1] Mamdani, M., 1996, « Introduction : Thinking through Africa’s Impasse », in Citizen and Subject, New Jersey : Princetown University Press.

    • Quelques pistes pour la décolonisation des sciences sociales en Afrique

      Rejet de l’essentialisation de l’Afrique que l’on retrouve pendant la période coloniale, mais aussi pendant la période postcoloniale à l’instar des théories du développement → ce rejet de l’essentialisation consiste aussi à ne pas appréhender l’Afrique comme étant « une » (c’est-à-dire homogène), mais plutôt comme étant plurielle.

      • Matshedisho (2005) par exemple, rejette et réfute ainsi l’idée d’intégration culturelle panafricaine et l’idéologie du développement.
      • C’est aussi le cas d’auteurs comme D. A. Masolo (2002)[1] qui recommande de sortir de tout africanisme défensif, notamment en appréciant l’Afrique dans diversité, et de tendre vers l’universalisme scientifique → Concernant la philosophie par exemple, Masolo considère que l’Afrique a besoin d’un travail philosophique accru afin de réfuter les mythes du passé.

      F Besoin d’une démarche réflexive concernant les sciences sociales, notamment en évitant par exemple l’application mécanique aux sociétés africaines des catégories d’observation et d’analyse construites et éprouvées dans d’autres contextes (Amérique du nord, Europe, etc.) → Abé (2005) parle de la nécessité d’un « contrôle réflexif de la production scientifique »

      • Toutefois, pour C. Abé (2005), ce contrôle réflexif est plus facile à faire dans le temps du fait du caractère cumulatif des découvertes scientifiques que dans le temps court.

      F Nécessité d’adopter une démarche/posture de « participation distanciée » → il faut rompre avec l’attrait de l’autopsie (Abé 2005)

      • Il part du constat selon lequel les sciences sociales en Afrique ont souvent un désintérêt pour le présent au profit du goût pour l’autopsie → celles-ci ne s’intéressent à des réalités qu’une fois ces dernières sont inscrites dans l’histoire ;
      • Or, il considère que le « recul historique » ne constitue pas toujours un facteur de vérité, ni même une condition d’accumulation des données ou une condition d’objectivité du discours ;
      • La « participation distanciée » permet ainsi de réconcilier l’engagement et la distanciation, considérés comme deux pôles de conduite entre lesquelles oscille le chercheur → à ce propos N. Elias (1993) relevait qu’il ne faut pas opposer l’engagement et la distanciation mais plutôt les appréhender comme deux extrémités d’un même continuum → Pour Elias, engagement et distanciation sont liés par une relation d’interdépendance fonctionnelle dans la mesure où l’engagement des spécialistes des sciences sociales leur permet d’avoir une meilleure distanciation vis-à-vis des problèmes qu’ils ont à résoudre

      Les sciences sociales en Afrique doivent rompre avec l’obsession du « développement » (M. A. Fall 2011) → i) pour  M. A. Fall, en courant derrière l’objet et l’objectif « développement » : « (…) bien des chercheurs africains voient leur objet leur échapper et leurs productions se réduire à une philosophie critique du développement. Là où les uns s’interrogent sur ce qu’est le « développement » – objet insaisissable –, les autres procèdent à sa critique en montrant ses incidences négatives sur les sociétés africaines – objectif apparemment biaisé ; tous semblent poursuivre le même but : en savoir davantage sur le « développement » afin de développer l’Afrique ».


      [1] Masolo D. A. (2002), « Logocentrism and Emotivism », in African Philosophy in Search of Identity, Edinburgh : Edinburgh University Press.

    • Bibliographie indicative pour le module sur la décolonisation des sciences sociales

      Abé C. (2008), « La globalisation de la sociologie en situation africaine : entre résistance et dynamiques de structuration », in Canadian Journal of Sociology/Cahiers Canadiens de Sociologie, no. 33 (3), pp. 575-606.

      Abé C. (2005), «Les sciences sociales et devenir de l’Afrique : entre construction et déconstruction», in Les sciences sociales et l’avenir de l’Afrique, Dakar: CODESRIA, pp. 33–87.

      Diop A. S. (2020), Pour une désaliénation des études africaines. Repenser l'africanisme postcolonial, L'Harmattan, 224p.

      Diop A. S. (2015), « Radicalité des sciences sociales africanistes et réinvention du futur de l’Afrique face aux défis du XXIème siècle : les enjeux d’un débat », in Les perspectives de l’Afrique au XXIe siècle, pp. 5-22.

      Fall M. A (2011), « Décoloniser les sciences sociales en Afrique », in Journal des anthropologues, no. 124-125, pp. 313-330.

      Foé N. (2008), Le post-modernisme et le nouvel esprit du capitalisme sur une philosophie globale d’Empire, CODESRIA, 214p.

      Guichaoua A., Goussault Y. (1993), Sciences sociales et développement, Armand Colin, 190p.

      Matshedisho K. R. (2005), « Réinterpréter et reconstruire l’Afrique : le défi de la recherche en sciences sociales », in Les sciences sociales et l’avenir de l’Afrique, Dakar: CODESRIA, pp. 1-31.

      McSween N. (2010), « Repenser l’analyse des mouvements sociaux africains », in Série : Recherches, no. 32.

  • Evaluation finale

    L'évaluation finale de ce cours se fait à la fin du semestre en présentiel et à l'écrit.

    • examen écrit en présentiel Test

      L'examen final sur l'ensemble du cours, y compris le TPE, et sa durée est de deux (2) heures de temps. Les sujets d'examen comprennent soit une dissertation ou un ensemble de questions auxquelles doivent répondre les étudiant-e-s. Dans le cas d'une dissertation, il est attendu que les étudiant-e-s développent un argumentaire basé à la fois sur leur compréhension (critique) du cours que sur leur propre travail personnel, en mentionnant des références pertinentes. Dans le cas où il s'agit d'une série de questions, les étudiant-e-s doivent répondre à l'ensemble de celles-ci; un barème étant fixé pour chaque question, il est important de bien répondre  à toutes les questions pour obtenir une bonne note.

  • plan global du cours

    Permet de visualiser les principales sections (ou parties) ainsi que les sous-sections qui composent le cours